2003 - Ghosts Of The Abyss (Les Fantômes du Titanic)
Soyons clairs, si ces fantômes du Titanic n’ont strictement rien à voir avec la SF et le fantastique, le tournage de ce documentaire mêle incontestablement prouesses scientifiques et innovations technologiques. En effet, James Cameron, fasciné par le naufrage du célèbre paquebot anglais, s’est entouré d’une équipe de spécialistes (artistes, techniciens, scientifiques) pour plonger les spectateurs à 4000 milles mètres de profondeurs et leur proposer une visite en trois dimensions des entrailles du Titanic.
Pour ce faire, le réalisateur de Abyss, en collaboration avec Sony et le directeur de la photographie Vince Pace, a mis au point un tout nouveau système de prise de vue baptisé "Reality Camera System".
Le RCS, composé de deux caméras Sony HD-950 modifiées, séparées par la même distance qu’une paire d’yeux d’humains (soit environ 70 mm), est également doté d’un procédé de convergence active qui permet aux objectifs de croiser la direction de leur regard pour accompagner le point de vue comme le font les yeux lorsqu’ils suivent un objet qui se rapproche ou s’éloigne.
Lors de la projection (le film ne devrait être diffusé que dans une dizaine de salle), les deux images sont transmises en même temps sur l’écran, et des filtres polarisants ou des obturateurs à cristaux liquides actifs empêchent chaque œil de voir l’image réservée à l’autre œil, le cortex visuel du cerveau fusionnant les images en une seule beaucoup plus réaliste.
Mais, ce dispositif d’imagerie 3D révolutionnaire n’aurait été que d’un intérêt limité dans le cadre de cette expédition si James Cameron, son frère Mike et l’équipe de Dark Matter n’avaient également conçu, pour assurer les prises de vues, des submersibles pilotés à distance (ROV, " Remotely Operaded Vehicules " sortes de cameramen robots sous-marins) capables de se déplacer à l’intérieur de l’épave.
A cette débauche technologique en terme de prise de vue et d’exploration sous-marine, le documentaire de James Cameron n’en oublie pas pour autant l’aspect scientifique de cette mission (commentés par des savants de haut calibre) ni son aspect historique (insérant quelques plans fictifs à titre de reconstitution des évènements) ni, d’ailleurs, le point de vue des spectateurs dont Bill Paxton, son ami de longue date dans le rôle du candide, se fait le porte-parole.
Bruno Paul
James Cameron se l'était promis à lui-même au terme du tournage de son dernier et plus gigantesque long-métrage à ce jour, Titanic : il reviendrait sur les lieux du naufrage pour consacrer un reportage au paquebot mythique. Il déclinera toute implication à Terminator 3 (au grand dam des fans), jugeant le projet sans intérêt à ses yeux, pour se consacrer corps et âmes à ce documentaire.
En résulte un film d'une heure en trois dimensions. Tous à vos lunettes !
Car les fantômes du Titanic est avant tout ce que Cameron affectionne par-dessus tout : un défi technique. Le défi en question : concevoir avec son frère Mike une caméra numérique, 3D de surcroît, suffisamment « miniature » pour prendre place dans un ROV. Pas moins de trois années de recherche seront nécessaires pour mettre au point deux de ces petits appareils qui seront utilisés au cours de plusieurs plongées par 4.000 mètres de fond dans l'Atlantique Nord, à l'endroit même où gît l'épave du Titanic.
Mais, loin de n'être qu'un simple « résumé » du long métrage, Les fantômes en serait plus précisément un prolongement culturel. Dans un mélange très réussi d'images actuelles, de reconstitution 3D et de photos d'époques (en superpositions ou en split-screens), James Cameron nous fait pénétrer dans les coursives de ce qui demeure, près d'un siècle après son naufrage, la plus prestigieuse et luxueuse réalisation nautique conçue par la main de l'homme. Seul reproche imputable au documentaire, la narration « émotionnellement guidée » de Bill Paxton dont les réactions à vif se résument assez rapidement à des « c'est incroyable », « c'est grandiose » ...
Non content de nous offrir un magnifique recueil d'images et d'histoires sur cette nuit du 14 avril 1912, Cameron magnifie donc conformément à son habitude le propos par la technique. Le visionnage numérique offre une précision et une netteté d'images proprement hallucinante de pureté tandis que l'apport de la 3D (nécessitant le port de lunettes spéciales également conçues pour l'occasion) offre une profondeur de champ particulièrement saisissante de réalisme.
Malheureusement, les conditions de projection requises pour profiter pleinement de ce documentaire passionnant limiteront considérablement son exploitation en salles. Par conséquent, ceux qui auront la chance d'y avoir accès auraient doublement tort de s'en priver.
Stéphane Argentin